MESURES SANITAIRES COVID19 ET RESIDENCE DES ENFANTS

MESURES SANITAIRES COVID19 ET RESIDENCE DES ENFANTS

Par :
16 Oct 2020

Vous le savez, le Président de la République et le Gouvernement ont pris des mesures sanitaires face à l’épidémie de coronavirus.

Ainsi, les déplacements sont par principe interdits et le confinement la règle (#restezchezvous).

L’article 1 du Décret n° 2020-260 du 16 mars 2020 portant réglementation des déplacements dans le cadre de la lutte contre la propagation du virus covid-19 est clair :

Afin de prévenir la propagation du virus covid-19, est interdit jusqu’au 31 mars 2020 le déplacement de toute personne hors de son domicile à l’exception des déplacements pour les motifs suivants, dans le respect des mesures générales de prévention de la propagation du virus et en évitant tout regroupement de personnes :

1° Trajets entre le domicile et le ou les lieux d’exercice de l’activité professionnelle et déplacements professionnels insusceptibles d’être différés ;

2° Déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité dans des établissements dont les activités demeurent autorisées par arrêté du ministre chargé de la santé pris sur le fondement des dispositions de l’article L. 3131-1 du code de la santé publique;  

3° Déplacements pour motif de santé ;

4° Déplacements pour motif familial impérieux, pour l’assistance des personnes vulnérables ou pour la garde d’enfants ;

5° Déplacements brefs, à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelle des personnes, à l’exclusion de toute pratique sportive collective, et aux besoins des animaux de compagnie.

Les personnes souhaitant bénéficier de l’une de ces exceptions doivent se munir, lors de leurs déplacements hors de leur domicile, d’un document leur permettant de justifier que le déplacement considéré entre dans le champ de l’une de ces exceptions.

Un décret du 17 mars a rendu la violation de ces dispositions punissables au titre d’une amende forfaitaire.

Un nouveau décret a ajouté quelques précisions sur les « sorties » autorisées et ajouté par exemple la possibilité de se rendre à une convocation d’une autorité judiciaire ou administrative.

Evidemment, ces mesures de restriction ont des incidences sur la résidence des enfants, les droits de visite et d’hébergement. 

Analyse de l’autorisation dérogatoire de sortie :

En temps normal, lorsque les parents ne s’entendent pas bien, la résidence alternée peut déjà engendrer des tensions.

En cette période de crise sanitaire, où forcément les tensions seront exacerbées, comment répondre à nos clients, père comme mère, qui veulent maintenir ce qui a été prévu entre eux, ou par un jugement.

Bien entendu, nous répondrons qu’il faut faire preuve de responsabilité, de discernement et de bon sens. Mais nous savons que cela ne sera pas toujours le cas. Parfois pour de bonnes raisons (inquiétude, stress ou angoisse légitimes quant à la santé des enfants, la durée de la séparation) mais parfois sans bonne raison (utiliser cette situation comme moyen de pression, contrainte). 

Un journaliste du Monde a posé la question à des confrères et à la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité, qui ont répondu : oui, les parents séparés peuvent utiliser l’attestation de déplacement dérogatoire pour aller chercher un enfant ou le ramener.

Je ne vais faire une analyse juridique pointue des termes de cette attestation de déplacement dérogatoire. Je ne suis même pas certaine que les rédacteurs aient réfléchi aux termes utilisés et nous attendons l’analyse de la Direction des affaires civiles et du Sceau.

Cependant, « garde d’enfants » ne veut pas dire juridiquement « résidence » ou « résidence alternée« . Il semble que cela soit plutôt conçu pour que les enfants (des personnels de santé et d’urgence) soient gardés. Le « motif familial impérieux » pourrait éventuellement servir mais ce qui est impérieux n’est-ce pas plutôt de préserver la santé de chacun?

Pour autant, même si, évidemment, chacun des parents voudra légitimement passer du temps avec son enfant, le rassurer dans cette période très stressante, doit-on risquer de diffuser le virus ?

Ainsi, les déplacements nécessités par la mise en œuvre d’un droit d’accueil ou d’une alternance ne sont plus possibles, si l’on s’en tient à une lecture strictement juridique. Pas facile à accepter pour le parent censé accueillir, ce que je comprends tout à fait.

Néanmoins : 

-Le risque à ne pas respecter cette interdiction est certes léger financièrement (amende de 135€) mais lourd en terme de propagation puisque les scientifiques estiment que lorsqu’un adulte infecté transmet le virus à 2 personnes en moyenne, un enfant le transmet à 5/6.

-Le risque à respecter cette interdiction est inscrit dans l’article 227-5 du Code pénal qui dispose :

« Le fait de refuser indûment de représenter un enfant mineur à la personne qui a le droit de le réclamer est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. »

J’invite donc les parents à faire preuve de souplesse, de discernement, mais aussi d’organisation et d’inventivité pour maintenir le lien avec l’autre parent si cette alternance ne peut se faire dans de bonnes conditions (éloignement, enfant malade). Les moyens de communication actuels permettent le maintien de ce lien : FaceTime, WhatsApp, Skype et bien d’autres encore offrent la possibilité de maintenir le contact, de prendre des nouvelles. 

Il faut penser en priorité à l’intérêt de l’enfant.

Vous pouvez consulter utilement votre avocat, un médiateur (AVANTAGE MEDIATION ou Médiation en Seine) pour trouver une solution sur mesure, adaptée et prenant en compte tous les paramètres (sécurité sanitaire, lien avec l’enfant, éloignement etc).

Vous le savez, les juridictions sont fermées et même si nous avons l’assurance que quelques audiences d’urgence vont se tenir, quelle image vont donner ces parents qui ne peuvent s’entendre pour le bien-être de leur enfant et n’ont pas su respecter les droits et devoirs liés à l’autorité parentale conjointe. Le devoir étant aussi de préserver la sécurité de son enfant et de son foyer.

Rappel des principes de l’autorité parentale (articles 371-1 et suivants du code civil): elle appartient aux parents et s’exerce en commun ce qui signifie que les deux parents ont des droits mais aussi des devoirs. Rien n’est prévu en cas de crise sanitaire et bien entendu, les règles habituelles s’appliquent. les parents doivent s’informer de ce qui touche à l’enfant, de ce qui est important :

  • information concernant la santé de l’enfant 
  • information concernant son lieu de résidence
  • information sur sa scolarité

En cette période inédite de crise, on peut distinguer deux hypothèses :

1/ Une décision a été rendue :

Un juge aux affaires familiales a rendu une décision relative à l’autorité parentale ou bien une décision de divorce a été rendue prévoyant les modalités de la résidence des enfants et des droits de visite et d’hébergement.

  • Résidence alternée

Dans le cadre des résidences en alternance la plupart du temps, les parents vivent à proximité.

La mise en place de l’alternance peut donc se faire dans le respect des règles sanitaires préconisées.

Le mieux là encore est une discussion entre parents pour savoir comment s’organiser : la poursuite d’une alternance habituelle ou la mise en place d’une alternance sur 15 jours par exemple.

  • Résidence principale pour l’un et droits de visite et d’hébergement pour l’autre

La résidence principale des enfants est fixée chez un parent et par conséquent, ce dernier conserve les enfants. En raison des circonstances sanitaires, les droits de visite et d’hébergement ne pourront pas être exercés, les impératifs de santé publique devant primer.

Les parents devront, dans ces circonstances exceptionnelles, faire preuve de discernement et d’adaptation. Il est impensable en effet de faire voyager des enfants en risquant de les exposer à des zones particulièrement touchées, avec des risques sanitaires élevés. 

On comprend aisément que le parent privé de ses enfants dans cette période (qui peut durer) voudra exercer ses droits. Mais il s’agit d’une suspension des droits pour des raisons impérieuses.

Les parents pourraient ainsi aménager des plages horaires par whatsapp, skype ou tout autre mode de communication pour maintenir un lien entre les enfants et l’autre parent. Si ce n’est le bon sens qui doit primer, rappelons que le code civil prévoit aussi que le parent à l’obligation de maintenir ce lien.

Il ne faut pas hésiter à faire appel à son avocat ou à un médiateur pour trouver des solutions satisfaisantes pour tous, y compris pour les enfants dont le climat anxiogène pèse sur eux.

2/ Aucune décision n’a été rendue :

Il s’agit des accords tacites entre parents, comme des procédures en cours.

S’ils ont des accords, qu’ils discutent, pour savoir ce qui est le mieux pour l’enfant. Plusieurs clients m’ont indiqué avoir élaboré en concertation le mode de fonctionnement (15 jours chez l’un puis chez l’autre ; un enfant chez chacun par exemple).

S’il n’y a pas d’accord, il faut rappeler aux parents que le bon sens, le discernement et l’intérêt des enfants prévalent.

Evidemment, il n’est pas question que l’un des parents en profite pour prendre en otage un enfant ; pour autant, face à cette situation exceptionnelle,  un parent qui, de bonne foi et en raison des précautions sanitaires aura refusé de remettre un enfant pour l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement sera à mon sens difficilement « sanctionnable ». Il pourra faire valoir le principe de précaution, de sécurité sanitaire, et ces circonstances inédites. 

Pour autant, il est important de proposer des solutions alternatives, toujours dans le but de maintenir un lien entre les enfants et l’autre parent, voire les grands-parents. Le but est de ne pas profiter de la situation pour exclure un parent. 

On le sait en tant que praticien, il y aura des abus. Mais, les tribunaux sont fermés, les audiences sont reportées et seules les urgences seront traitées. Comment sera caractérisée l’urgence en fonction du risque sanitaire ? 

Je ne parle évidemment pas ici des situations ultraconflictuelles ou dans lesquelles il existe un conjoint violent, que ce soit physiquement ou psychologiquement et qui va encore exercer sa contrainte, ses pressions pendant cette période.

Rappel des principes de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants (article 373-2-2 du code civil) :

Pendant cette période exceptionnelle, la contribution reste due.

1/ une décision a été rendue

Elle s’applique car le parent qui en bénéficie continue de subvenir aux besoins des enfants.

Sauf à ce que ce ne soit pas le parent qui dispose de la résidence des enfants qui les garde. Un aménagement peut alors être convenu.

Là encore, n’hésitez pas si vous n’arrivez pas à trouver un terrain d’entente à prendre contact avec votre avocat pour trouver une solution.

2/ aucune décision n’a été rendue

Si un accord était en place sur la contribution, elle reste maintenue sauf accord entre les parents pour une suspension ou un aménagement.

S’il y a un contentieux en cours, il est fort probable que rien ne soit versé, et l’action judiciaire sur cette question ne sera pas forcément qualifiée d’urgente.

En conclusion, Chers Clients, Chers Parents, agissez dans l’intérêt de vos enfants, sans penser que l’autre veut vous nuire, vous empêcher d’exercer vos droits. Chacun doit se mettre à la place de l’autre. Profitez du confinement pour dialoguer, entre vous ou grâce à un avocat formé aux modes amiables, un médiateur. Il existe des droits mais aussi des devoirs, celui de préserver la santé de son enfant, celui de maintenir un lien avec l’autre parent. Donc soyez inventifs, créatifs, agissez avec discernement et bon sens. Il sera temps de réfléchir à « rattraper » le temps perdu, à proposer une période de vacances plus longue pour celui qui n’a pu accueillir les enfants, ou plusieurs week-ends d’affilée dès la fin du confinement, ou encore des soirées dans la semaine, les week-ends prolongés du mois de mai.